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Les cartographes majorquins au confluent de deux mondes.

Dulcert, Ribes, Viladeste, de Vallsecha, tels étaient les noms de ces cartographes majorquins considérés comme les précurseurs de la cartographie moderne. Dans cette épopée pré-colombienne, on serait tenté de penser qu'ils furent de grands voyageurs, des découvreurs de terres nouvelles. Mais il n'en est rien. Dans l'ombre de leurs ateliers, juifs marqués d'une rouelle comme d'une infamie, propriété du roi d'Aragon, ils étaient ces voyageurs immobiles, ces rêveurs de terres lointaines. Ils allaient dessiner sur leurs vélins, l'Afrique, L'Asie, l'Orient, et dresser pour l'Occident les routes de l'or et des contrées lointaines. Traduire les textes grecs et arabes, écouter les marins, reprendre les relevés des côtes, noter les ports, les villes d'intérieur, telle fut leur part. L'histoire retiendra à peine leur véritable nom, Cresques, Corchos, Ibn Rich.

Les Portulans

Vivement illustrées et tracées selon les lignes qui naissent de la rose des vents, les cartes marines du XIVème siècle semblent bien éloignées des nôtres. Se dégageant peu à peu des préjugés religieux, elles furent pourtant, par leur exigence de précision, à la naissance de la cartographie moderne.

L'émergence de l'école de cartographie majorquine au XIVème et XVème siècles n'est pas sans soulever de nombreuses interrogations : pourquoi tant de cartes, à ce moment précis, à Majorque, en particulier ? Pourquoi des cartographes juifs ? Ces questions trouvent assurément leur réponse dans un faisceau d'élé
ments concomitants.

Le Mirage de l'Est

A la fin du Moyen-Age, le monde est divisé non pas du Nord au Sud mais d'Est en Ouest. Après l'échec des Croisades, lors de la lente reconquête espagnole, une barrière religieuse oppose la chrétienté à l'Islam. Si les consciences chrétiennes supportent difficilement d'enrichir des puissances ennemies, comment se priver d'épices, de soie, de perles et pierreries en un temps où la puissance se manifeste dans l'éclat des parures ? Nourrie par les récits de Marco Polo comme par l'imaginaire collectif, la fascination pour l'Orient et l'Extrême-Orient n'a jamais été aussi grande et les cours d'Europe ne peuvent se passer d'un luxe d'apparat où prend racine le mirage de l'Est.

Le Triple Verrou de l'Islam

L'Asie, inaccessible, excite toutes les convoitises. Alors que les pays de l'Europe du Nord sont empêtrés dans des conflits interminables ( guerre de cent ans ) les états méditerranéens qui vivent du commerce avec l'Orient brûlent d'en maîtriser les routes. Mais ils se heurtent aux Turcs, de Chypre à la Mer Noire, aux princes arabes qui dominent la route de Damas comme la Mer Rouge et empêchent tout accès à l'Océan Indien. A l'ouest, les Maures de Grenade ont la main mise sur l'Andalousie, le Maroc, l'Algérie, l'actuelle Tunisie : pirates impitoyables, ils tiennent le détroit de Gibraltar et interdisent tout commerce avec l'Afrique noire qui est le seul producteur d'or du monde connu.

Le Chemin de l'Ouest

La maîtrise des navires arabes sur la Méditerranée renforce ce blocage commercial. Certes, il fait la fortune des états qui parviennent à tisser des échanges commerciaux avec les princes de l'Islam. La République de Gênes, par ses comptoirs en pays maure, détient le quasi-monopole du commerce de l'or. Venise, privilégiée par sa situation sur l'Adriatique, assure les échanges avec la Méditerranée orientale. Enfin l'Aragon, qui s'étend de Montpellier à Valence, assure la diffusion de multiples marchandises et permet des échanges constants entre les états du Nord ( Drap des Flandres, bois, fer, étain, blé, fourrures, ambre gris ) et ceux du sud : Le lac aragonais bénéficie d'une position centrale en Méditerranée occidentale : possédant la Sicile, la Sardaigne et les Baléares, il permet les escales indispensables aux lourdes nefs de commerce, à Majorque, en particulier, qui est un port d'eaux profondes. Mais ces échanges restent soumis au bon vouloir d'intermédiaires qui vendent leurs services à prix d'or. Soutenue par l'envie de profits immenses, immédiats, l'idée se répand peu à peu de contourner l'obstacle. Et ce qui semblait impossible devient envisageable, passer par l'Ouest.

Une Nouvelle Idée de la Terre

Si l'on accepte, au cours du Moyen-Age, l'idée que la Terre est une sphère, on ignore tout de la gravité universelle et l'on situe les Terres Emergées au dessus du globe en une large bande dont le centre est Jérusalem. L'on se réfère de façon quasi-permanente aux calculs cités par Aristote : une circonférence de quelque 30 000 km ne permet pas de s'éloigner des côtes sans courir le risque de tomber dans l'abîme. Cependant, poussés en cela par la philosophie d'Aristote, reprise par Averroès et Maimonide, les esprits savants, au travers de cultures et de religions différentes, accréditent l'idée qu'il est permis d'adorer Dieu en exerçant l'intelligence qu'Il a placée en sa créature : comprendre ce monde tel qu'il est et non tel qu'il est décrit par la Bible devient un enjeu scientifique majeur.

L'Aragon des faiseurs de cartes se trouve au confluent de ce choc culturel. Chassés par l'intolérance religieuse des princes de Grenade au XIème et XIIème siècles, de nombreux juifs se sont installés en Castille et en Aragon. Ils maîtrisent l'Arabe comme une seconde langue, traduisent les écrits modernes des géographes arabes et cherchent à s'informer aux sources de la géométrie grecque. Ceux que l'on a appelés « les traducteurs de Tolède » développent la médecine, l'astronomie et la géométrie. Ils retrouvent les calculs d'Eratosthène qui indiquent que la circonférence terrestre dépasse largement les calculs retenus par Aristote. Peut-on s'écarter des côtes, trouver des îles dans l'Océan sans courir le risque de tomber dans l'abîme ? Pourra-t-on, un jour, traverser la Mer Océane et gagner l'Est par l'Ouest?>

Cette vision d'une sphère terrestre assez large pour que des bateaux puissent en faire le tour défie la croyance établie par l'Eglise. Au XIVème siècle, la question restera dans l'ombre car les cartographes juifs de Majorque ne peuvent s'opposer directement aux docteurs de l'Eglise.

Les Porteurs de Rouelle.

Marqués d'une rouelle et propriété directe du roi, les juifs d'Aragon n'ont pas les droits des chrétiens mais du moins peuvent-ils vivre et prier en paix. Ils servent du mieux la couronne d'Aragon et l'administration qui les protège quand, à la fin du XIVème siècle, sur fond de peste et de famine, ils sont livrés à la haine populaire. Durant l'été de 1391, de violents massacres déciment toutes les communautés. Ceux qui survivent se voient soudain contraints à la conversion ou à l'exil. Rester juif en Aragon équivaut à un renoncement : aucun métier intellectuel ou administratif ne peut plus être exercé par un juif. Afin de ne pas sombrer dans une condition médiocre, beaucoup se convertissent mais ces conversions sont liées à la peur. La plupart attendent des jours meilleurs. Au fond de leur coeur, ils demeurent fidèles au judaïsme et à ses traditions. Surnommés les porcs, les marranes vivent dans une suspicion permanente qui provoque un crypto-judaïsme de plus en plus exalté. Un siècle plus tard, la haine conduira à l'expulsion de tous les juifs d'Espagne, qu'ils soient convertis ou non.

Un Long Chemin

Plus de cent ans nous séparent des bûchers de l'Inquisition comme des Grandes Découvertes mais le chemin de l'Ouest commence en ces temps difficiles. L'idée prend corps de construire des bâtiments qui puissent affronter l'océan.

On va s'attacher à les rendre plus rapides : il faudra plus de voiles et plus de marins, mais le voyage sera plus bref si l'on sait profiter du vent. Les cales ne seront plus emplies par les vivres nécessaires à l'équipage, il restera une place immense pour les cargaisons. Les lourds vaisseaux s'affinent peu à peu, les mâts s'élèvent, la voile latine se double de voiles carrées, le choix du gouvernail d'étambot se généralise. Peu à peu, la nef médiévale se transforme en caravelle.

Le Début de l'Essor

Le rêve s'organise et les bateaux se jettent à la conquête de l'océan. Les Canaries, retrouvées au milieu du XIVème siècle par les marins d'Aragon verront s'affronter la Castille et le Portugal. Evincé de ce premier pas sur l'océan, le Portugal va chercher à s'implanter en Afrique du Nord : la fameuse prise de Ceuta va lui donner les moyens de pousser plus avant et de se donner une stature de nation évangélisatrice. Un prince visionnaire va chercher à découvrir l'Afrique noire, à gagner le fleuve de l'or, situé sur les cartes majorquines, au sud du cap Bojador. Henri le Navigateur va construire des bateaux, réunir, à Sagres, les architectes et les charpentiers de mer, les capitaines et les cartographes. Ainsi ce vieux savant, Messer Jacomo de Malhorca, qui n'est autre que Yaffuda Cresques. Et l'on trouvera, en 1420, l'île de Madère.